Garantie décennale des désordres futurs : la certitude du dommage suffit-elle (suite) ?

Dans un précédent article, nous rappelions qu’une personne publique pouvait prétendre, au titre de la garantie décennale, à être indemnisée de dommages futurs si ceux-ci sont apparus dans le délai de 10 ans et sont de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible.

Nous regrettions alors cette notion de « délai prévisible », laquelle conduisait certains tribunaux à écarter la garantie décennale au seul motif que « la date d’apparition de ces ultimes manifestations ne peut être précisée » (CAA Nantes, 5 octobre 2012, N° 10NT002119).

Une telle interprétation de la décision Commune de Parnes revenait à refuser aux personnes publiques le jeu de la garantie décennale au seul motif que la date à laquelle l’ouvrage tomberait en ruine n’avait pas pu être déterminée, alors que la ruine de l’ouvrage était cependant acquise.

Le Conseil d’Etat a récemment précisé l’interprétation qu’il convenait de donner à la notion de « délai prévisible ».

Dans une décision Commune de Courcival, il censure une Cour ayant « commis une erreur de droit en jugeant que les désordres en cause n’entraient pas dans le champ de la garantie décennale, au seul motif que « la date d’apparition de leurs ultimes manifestations » ne pouvait être précisée ; » (CE, 11 décembre 2013, Commune de Courcival, N° 364311).

La notion de « délai prévisible » est utilement clarifiée par la haute juridiction pour laquelle la prévisibilité ne consiste à déterminer le délai dans lequel les désordres constatés pourraient présenter un degré de gravité décennal mais simplement à constater que l’évolution des désordres vers un tel degré de gravité est inéluctable.

Comme le soulignait déjà à l’époque le Rapporteur public sous la décision Commune de Parnes, la notion de délai prévisible signifie simplement qu’« il faut, s’agissant de responsabilité, que le dommage, tout futur qu’il soit, ne puisse être regardé comme incertain ».

Gabriel DURAND
Avocat à la Cour

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